Aux origines du lycée Jeanne d'Arc
Le premier Lycée Jeanne d’Arc de Rouen est proposé comme modèle d’instruction féminine. Il est alors situé à Rouen, entre la rue Saint Patrice et le Boulevard Jeanne D’Arc (aujourd’hui Boulevard de la Marne), dans un ancien Hôtel Particulier, appelé “Hôtel d’Arras”.
Cet Hôtel particulier prestigieux fut bâti entre 1633 et 1635, avec des pierres de taille, provenant d’une ancienne porte de la ville appelée “Porte D’Arras”. Il fut édifié à la demande de Maître Richard Osmond, Conseiller du Roi, Trésorier de France pour la généralité de Rouen.
Classé monument historique en 1886, ce fabuleux patrimoine changea de nombreuses fois de mains avant de devenir le premier Lycée de jeunes filles de Rouen et Le 2eme lycée français de jeunes filles. Son ouverture, solennellement célébrée les 29, 30 et 1er octobre 1882 par les autorités nationales, en présence de Monsieur Duvaux Ministre l’Education Publique, avait attiré des journalistes Français et étrangers. Un an plus tard, Jules Ferry, alors Président du Conseil des Ministres, procédait à une deuxième consécration.


Dans un premier temps, 120 élèves furent accueillies, puis 150 en externat. Toutefois la scolarité n’était pas gratuite et certaines bourses furent accordées. Au fur et à mesure, d’autres bâtiments seront annexés. Par ailleurs, évoquer l’histoire du Lycée Jeanne D’Arc, c’est aussi rendre hommage aux nombreuses personnalités qui ont contribué à une prise de conscience du rôle des femmes dans la société contemporaine, grand point de départ de l’éducation moderne de ce nouveau Lycée. Simone de Beauvoir par exemple, très proche de Jean Paul Sartre, y enseigna de 1932 à 1936.
En effet, le 21 décembre 1880 était promulguée la loi créant en France l’enseignement secondaire des jeunes filles. Pour obtenir cela, une lutte longue et contestée, triompha des idées résistantes.
Discours d’inauguration du lycée de Jules Devaux
“Elevez vos filles en bourgeoises disait Mme de Maintenon.”
“Il n’est pas question de leur orner l’esprit ; il leur faut prêcher les devoirs de la famille, l’obéissance pour le mari, le soin des enfants. En élevant l’instruction , ne risque-t-on pas d’en faire des pédantes…, des précieuses ridicules… ? Tandis qu’on devrait en faire des jeunes filles modestes pour devenir de bonnes maîtresses de maison, de bonnes mères de famille !…. Tel fut cependant le rôle auquel on réduisait la femme durant un siècle.“
Du premier lycée au site actuel
1882-1974 : 92 années d’enseignement se sont écoulées dans l’Hôtel D’Arras qui a cédé la place au Collège Barbey D’Aurévilly. En effet, face à des objectifs croissants, impliquant des nouvelles méthodes d’enseignement, un nouveau lycée est à l’étude, pour accueillir plus d’élèves et prendre en considération d’autres disciplines.
En parallèle, un Conservatoire National devient nécessaire pour inclure dans la scolarité certaines spécialités : la musique, la danse et le théâtre. Les sites des Capucins sont alors vivement convoités. D’importants bâtiments religieux vétustes ou peu utilisés, peuvent répondre à la demande.
Depuis 1974 : le nouveau ou (deuxième) Lycée Jeanne D’Arc, situé entre la rue Sainte Geneviève du Mont et la rue des Capucins (qui remplacera totalement l’ancien) est inauguré en 1974 et le Conservatoire en 1977. Ultérieurement, un gymnase municipal, construit sur l’ancien site des “Religieuses Les Annonciades” et une piscine à proximité, complètent avantageusement cet ensemble. Le lycée de style moderne accueille plus de 1 400 élèves (garçons et filles), avec un “self” et un internat dont la vue sur les remparts et sur la ville ne peut laisser indifférent.
Mais qui se souvient maintenant de l’ancien Couvent des Ursulines dont il ne reste plus qu’une église devenue bibliothèque des Capucins et une chapelle funéraire, jouxtant le Conservatoire ? Qui se souvient de l’ancien Monastère où fut construit le nouveau Lycée Jeanne D’Arc répertorié Couvent N°2 de la Visitation Sainte Marie ?
Pour la réalisation du Lycée, les projets de faire disparaître l’ancien couvent s’imposent et les protestations en 1970 et 1971 dans Paris-Normandie alertent les médias. Rien malheureusement n’arrête l’engrenage politique et administratif, pas même M. le Recteur Chevalier conduit sur les lieux trop tard, surpris d’admiration, en face de ce qui restait des bâtiments.
Le monastère de La Visitation Sainte Marie datant du 16 mai 1642 fut achevé en 1673, en mémoire de François de Sales, Evêque de Genève, instituteur de l’ordre de La Visitation et canonisé en 1658.
Les grandes dates de JDA
Décret de création du deuxième lycée de jeunes filles en France
Le lycée est dénommé “Jeanne d’Arc”
Un internat est agréé par l’établissement au 4, rue du rempart Bouvreuil, et ultérieurement un jardin de détente et des terrains de tennis seront aménagés.
Un garçon, dans les classes primaires, est admis au lycée.
Interdiction de l’enseignement de l’histoire au-delà de 1875.
Le lycée compte 7 classes primaires et 6 classes secondaires.
Inauguration de la statue de Jeanne d’Arc, réplique d’une œuvre du sculpteur Chapu.
Première installation de chauffage central.
Le lycée réquisitionné sert de caserne pour 3 compagnies de régiments d’infanterie à savoir 1200 hommes qui occuperont tous les locaux, puis devient hôpital militaire complémentaire.
On parle désormais de 6e, 5e, 4e, 3e, 2e, 1e.
Une loi établit la gratuité de l’externat dans tous les établissements secondaires de l’État pour les élèves de 6e.
Colette Audry est nommée professeur de lettres.
Simone de Beauvoir est nommée professeur de philosophie.
Le cinquantenaire du lycée est célébré le 12 novembre en présence de M. Monzie, ministre de l’Education Nationale.
Départs de Colette Audry et de Simone de Beauvoir.
Le lycée est occupé par les Allemands.
Les élèves israélites doivent porter l’étoile jaune.
5 élèves israélites sont raflées. Une seule, Denise Holstein reviendra de l’enfer nazi.
Ouverture d’un internat aux Bruyères, à Sotteville-lès-Rouen.
Création du poste de censeur.
Le lycée abandonne l’annexe des Bruyéres qui devient autonome.
Ouverture d’une classe préparatoire aux grandes écoles (Hypokhâgne).
Suppression des classes primaires.
Grèves de mai : suppression de la cérémonie des prix.
Inauguration des nouveaux bâtiments : rue Sainte-Geneviève-du-Mont, l’ancien lycée devient un CES 900 (Collège Barbey d’Aurevilly)
Inauguration des installations sportives.
Ouverture du BTS Communication visuelle.
Ouverture du BTS Assistant de gestion PME-PMI.




Simone de Beauvoir professeure au lycée Jeanne d’Arc (1932-1937)
Nommée à ROUEN, Simone de Beauvoir enseigna pendant quatre ans au lycée Jeanne d’Arc. Elle logeait dans un hôtel près de la gare, l’hôtel de La Rochefoucauld, rue du Champ des oiseaux et prenait ses petits déjeuners au café “Le Métropole”.
Mais le climat de la Normandie ne lui convenait pas et elle limitait ses promenades aux vieux quartiers de la ville. Le soir, après ses travaux de correction, elle se mettait à écrire.
Elle fréquentait peu ses collègues qu’elle trouvait ennuyeuses et se détachait des autres par son aspect plus moderne. Ses seules relations étaient Colette Audry, une amie de Paul Nizan et Simone Labourdin avec qui elle partageait quelques idées considérées d’avant-garde par la bourgeoisie rouennaise.
Au moment de la grève antifasciste du 12 février 1934, elle ne prit pas part au mouvement, préférant se consacrer à son enseignement où elle défendait ses idées sans s’engager dans l’action collective. Cependant, elle refusait d’accepter “l’ordre moral”, ce qui lui valut quelques ennuis avec ses représentants.